Exemple d’un réseau national CITOYEN d’implication de la société civile dans la gouvernance des activités nucléaires
Gouvernance et Transparence
Dans le contexte de la gouvernance des activités nucléaires, la vigilance CITOYENNE est une nécessité et tout le monde s’accorde à dire aujourd’hui qu’elle participe au renforcement de la sûreté nucléaire.
L’expérience des « Commissions Locales d’Information» (CLI) et leur fédération Nationale, l’ANCCLI, représente un exemple unique en Europe d’implication des acteurs locaux sur les questions nucléaires.
Une structuration progressive de la société civile…
La France est le seul pays au monde à avoir inscrit dans le marbre, dans sa législation, le droit à l’information des citoyens sur les questions nucléaires et l’obligation d’avoir une Commission Locale d’iNFORMATION (CLI) autour des Installations Nucléaires de Base (INB). Mais cette structuration de la société civile n’est pas un long fleuve tranquille.
– 1977, création de la première CLIs à Fessenheim.
– 1981, la «Circulaire Mauroy » a ouvert la voie à la création des CLI auprès des installations nucléaires.
– 2000, création de l’ANCCLI
– 2006, la Loi TSN sur la Transparence et la Sécurité en matière Nucléaire conforte le fondement juridique des CLI et précise leurs missions, rôles et leur financement. La loi TSN confirme l’existence d’une fédération nationale – l’ANCCLI.
– 2015, la Loi sur Transition Energétique pour une Croissance Verte (TECV) renforce les missions des CLI.
– 2016 : 35 CLI existent en France, elles adhèrent toutes à l’ANCCLI.
Une CLI est un lieu d’écoute, de dialogue et de concertation entre les autorités, les producteurs et opérateurs et les acteurs locaux. La CLI est un outil de suivi, de vigilance citoyenne et d’information pour les acteurs locaux.
L’article 22 de la loi TSN stipule: «(…) un comité local d’information est chargé (…) d’une mission générale de suivi, d’information et de consultation dans le domaine de la sûreté nucléaire, de la radioprotection et de l’impact des activités nucléaires sur les personnes et l’environnement en ce qui concerne les installations du site. «
Aujourd’hui, il existe 35 CLI sur le territoire français, composées chacune de 4 collèges : des élus, des représentants d’associations de protection de l’environnement, des représentants des organisations syndicales de salariés du nucléaire, des personnes qualifiées et/ou des représentants du monde économique.
Soutenir la montée en compétence et l’accès à l’expertise pour une diversification de l’information autour des questions nucléaires.
La fédération nationale des CLI, l’ANCCLI favorise la mise en commun d’expériences et porte la voix des CLI sur le plan national et international. Elle tisse des liens de partenariat de travail avec l’ASN (Autorité de Sûreté Nucléaire), l’IRSN (Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire), le HCTISN (Haut Comité pour la Transparence et l’Information sur la Sûreté Nucléaire), les Ministères mais aussi avec les exploitants…
L’enjeu est de donner aux membres des CLI les clés de compréhension des grands enjeux des activités nucléaires dans le respect de la transparence, de la diversité de points de vue afin qu’ils disposent de suffisamment d’éléments pour développer leur propre opinion.
L’ANCCLI dispose pour mener à bien cette mission, d’un Comité Scientifique, elle a créé des Groupes permanents de travail pour débattre et échanger avec les CLI sur les grands enjeux des activités nucléaires (déchets, crise, post-accident sûreté, démantèlement…).
Enfin, dans le cadre de leur mission, l’ANCCLI et les CLI souhaitentcontribuer à l’objectivité, à la qualité et à la pluralité des informations mises à disposition des citoyens. l’ANCCLI publie ainsi des Livres Blancs qui apportent aux CLI des éléments de base de connaissance sur des sujets d’actualité qui les intéressent. Ces Livres Blancs permettent aussi d’émettre des recommandations qui sont portées à connaissance des partenaires institutionnels.
Ces Livres Blancs peuvent être complétés, ponctuellement, en fonction de l’actualité, par des prises de position qui permettent de faire connaître aux autorités en charge des questions nucléaires, les questionnements et recommandations de l’ANCCLI et des CLI sur des sujets majeurs (exemple sur les questions de sûreté liées aux VD4-900 ou encore sur les périmètres PPI…).
Grâce aux compétences des CLI et à la mise en commun de leurs travaux, analyses ou informations, l’ANCCLI dispose d’un vivier d’expériences aussi riche qu’unique, permettant de mener les réflexions nécessaires aux enjeux du nucléaire. par la transmission, des informations vers le grand public, elles espèrent inciter le développement d’expertises citoyennes.
Quelques exemples d’actions
CLI de Gravelines – 2005 – Mise en place d’un barrage flottant dans l’avant port.
L’eau qui sert à refroidir la centrale de Gravelines est prise dans un avant port où circule de nombreux bâteaux et où des pétroliers stationnent à quai. La CLI a soulevé le problème d’un risque de pollution marine aux hydrocarbures dans cet avant port et aux risques pour la prise d’eau de la centrale nucléaire.
Suite à cette remarque de la CLI, l’ASN a demandé une étude à l’exploitant. Cette étude a conforté les risques soulevés par la CLI et l’ASN a imposé à l’exploitant de construire un barrage flottant en permanence dans l’avant port.
CLIs de Fessenheim – 2014 – Prise en compte des remarques du CLIs dans la mise à jour de l’arrêté de rejets des effluents de la centrale nucléaire de Fessenheim.
Dans le cadre de la mise à jour de l’arrêté de rejets de la centrale nucléaire de Fessenheim, la CLIs a fait appel au Comité Scientifique (CS) de l’ANCCLI pour analyser le dossier déposé par l’exploitant. L’analyse du CS a permis à la CLIs de proposer des compléments dans l’arrêté prévu par l’ASN (mesures complémentaires, suivis de nouveaux polluants, réduction de la limite de rejets d’autres polluants). Certaines de ces propositions de la CLIs ont été pris en compte par l’ASN.
ANCCLI – 2015 – Demande d’extension des plans particuliers d’intervention
Dans un communiqué de presse daté du 7 novembre 2014, l’ANCCLI exige un examen approfondi des périmètres des «plans particuliers d’intervention» (PPI) des installations nucléaires de base et suggère même une extension des plans d’urgence à un rayon de 80 km. Dans le rapport de l’ACRO, réalisé à la demande de l’ANCCLI, en avril 2015, sur les forces et les faiblesses des plans d’urgence, l’ANCCLI a souligné qu’au regard du REX de la catastrophe de Fukushima, les plans d’urgence actuels, avec un rayon de 10 km, étaient inadaptés.
Le 26 avril 2016, anniversaire de la catastrophe de Tchernobyl, la ministre de l’Environnement, Ségolène Royal, a annoncé l’extension du champ d’application des plans Particuliers d’intervention (PPI) de 10 à 20 km. Ces nouveaux périmètre changent considérablement le nombre d’habitants concernés et donc à informer (Exemple du Bugey : 68 000 personnes dans le périmètre PPI à 10km, plus de 1 200 000 personnes dans le périmètre à 20km).
L’ANCCLI souligne les avancées de cette décision, de son point de vue, elle va dans le bon sens, même si ses espoirs, sont plus ambitieux.
Un exemple intéressant pour l’Europe
Le modèle de l’ANCCLI peut être étudié et adopté par la société civile dans d’autres contextes européens, ce qui ajouterait une plus-value à la sûreté nucléaire en Europe dans son ensemble. Le modèle de l’ANCCLI est bien connu.
Par exemple, le rapport du Conseil supérieur de la santé de Belgique préconise un processus de communication transparent et structuré (tel que les CLIs françaises) sur les questions de sûreté nucléaire et sur les plans d’urgence. Il reconnaît que «cette approche participative améliore la qualité des analyses de vulnérabilité, souligne les préoccupations des citoyens et permet aux gens de réagir en cas d’accident».
La participation de la société civile au niveau européen est nécessaire, comme le souligne le Conseil de l’Union européenne. Les conclusions du Conseil de l’Union européenne sur la préparation et la réponse aux situations d’urgence nucléaire hors site soulignent «les avantages de la participation de la société civile aux activités de préparation, en particulier lors des exercices d’urgence nucléaire, pour accroître la transparence et la participation du public et améliorer la confiance du public dans les arrangements « .